Pour caractériser la performance énergétique d’un bâtiment rénové, il faut non seulement mesurer celle de son enveloppe mais aussi évaluer celle de ses équipements de chauffage, d’eau chaude sanitaire, de ventilation, de rafraîchissement et d’éclairage. C’est dans ce but, qu’au-delà de l’enveloppe, le projet SEREINE a aussi mis au point une méthode dédiée aux systèmes. Opérationnelle, rapide et fiable, elle se traduit par une application mobile permettant d’évaluer en une journée la performance de toutes les installations. Un consortium de 8 partenaires, piloté par l’Agence qualité construction (AQC), y travaillent depuis 2019. L’enjeu : objectiver l’apport des travaux de rénovation pour qu’ils puissent se multiplier dans notre pays, en toute confiance. Focus sur la mise en œuvre, les avancées et les utilisations de la méthode SEREINE Systèmes.
Article rédigé avec l’aide de Pierre Oberlé, de l’Institut national de l’énergie solaire (INES) et responsable du lot équipements dans SEREINE ; Stéphane Chamel, de l’INES et expert systèmes du projet ; Ariane Lesage, du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) qui travaille sur les systèmes de ventilation et Alexis Puysilloux, du Comité scientifique et technique des industries climatiques (COSTIC) qui travaille sur les systèmes de chauffage, eau chaude sanitaire et rafraîchissement.
Une évaluation qualitative, simple et fiable
Contrairement à l’enveloppe d’un bâtiment, dont la performance est objectivée à travers une seule mesure, celle des systèmes ne peut être mesurée de façon quantitative tout en restant simple. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’elle porte sur une soixantaine de systèmes qui répondent à 5 usages différents – le chauffage, l’eau chaude sanitaire, la ventilation, le rafraîchissement et l’éclairage. Mais aussi parce que ces systèmes se combinent parfois entre eux. Et parce qu’ils fonctionnent de façon très différente selon les saisons, les besoins, etc. Reproduire toutes ces configurations et ces conditions en une seule mesure, sur ½ ou 1 journée, est impossible, à moins de se limiter à quelques cas précis ou de le faire en laboratoire. C’est pourquoi SEREINE a fait le choix d’évaluer la performance des systèmes de façon qualitative, système par système, en vérifiant que les bonnes pratiques établies par les experts sont respectées. Dimensionnement des équipements, réglages, emplacement, fonctionnement …, au total SEREINE propose plus de 200 vérifications, tous systèmes confondus.
Un audit en 2 temps, à l’aide d’une application sur tablette
Tous ces points de vérification sont recensés dans une seule application que l’opérateur, chargé de l’évaluation, va utiliser en deux temps et en toute simplicité. Un audit documentaire, au bureau, et un audit sur site. Dans le premier, l’opérateur, guidé par l’application, recueille tous les documents liés à la conception et à la mise en œuvre des travaux, ainsi que tous ceux qui caractérisent le bâtiment. Puis il compare les équipements prévus / installés, et vérifie la pertinence des choix. Dans le second, il se rend sur place, toujours muni de sa tablette, pour vérifier que les équipements déclarés ont bien été installés et réglés, qu’ils l’ont été dans les règles de l’art et qu’ils fonctionnent correctement. Une fois l’étude terminée et validée, il ne lui reste plus qu’à éditer le rapport, automatiquement. Une synthèse y présente les résultats de façon visuelle avec la performance évaluée pour les différents systèmes et usages. Elle est suivie des résultats détaillés qui indiquent pour chaque vérification les éventuels défauts détectés, leur gravité, et éventuellement des préconisations de correction.
L’audit en lui-même ne prend qu’une journée et peut se réaliser en milieu occupé, cependant son délai peut être plus long si l’opérateur rencontre des difficultés à rassembler tous les documents.
Du chantier aux données ouvertes : les autres usages possibles
Au-delà de cette évaluation par un tiers, au moment de la réception des travaux, SEREINE Systèmes s’adresse aussi à d’autres utilisateurs. À commencer par les artisans. Ceux qui le souhaitent peuvent par exemple accéder à l’application pour procéder à un autocontrôle de leur installation ou des réglages et éventuellement procéder à des ajustements.
Mais SEREINE Systèmes c’est aussi, à terme, une plateforme ouverte de données publiques compilant tous les audits réalisés, de façon anonyme. Une plateforme aux nombreuses données très utiles pour tous les professionnels de l’énergie et du bâtiment.
Focus sur les 10 étapes de l’audit
Des vérifications papier au digital : genèse d’une application innovante et intuitive
Comme pour l’enveloppe, l’évaluation des systèmes était déjà présente dans les projets EPILOG et MERLIN, ancêtres de SEREINE au sein du programme PACTE, lancé par l’État en 2016 pour faire avancer la transition énergétique. La méthode existait mais tout était transcrit à la main, sur des outils peu interactifs et conviviaux. Un travail fastidieux, source de redondances potentielles et difficile à exploiter. Avec SEREINE et le programme PROFEEL, la donne change et le digital s’impose. L’équipe projet se lance dans une application mobile.
Ce qui a nécessité de revoir dans un 1er temps une partie de la méthode, pour passer en revue toutes les vérifications demandées à l’opérateur, sélectionner les plus pertinentes et les structurer entre elles, afin d’éviter les redondances. Un travail titanesque compte tenu du nombre de points de vérification (plus de 200) et du nombre de configurations possibles (60 systèmes qui peuvent se combiner entre eux).
Cette mise à plat achevée, l’application a été conçue pour être la plus intuitive possible et faciliter la vie des opérateurs. Pas question, par exemple, de leur demander de contrôler des points sur le toit, puis dans le cellier ou le logement et à nouveau sur le toit. Les concepteurs se sont projetés dans un maximum d’utilisations possible afin de concevoir un outil suffisamment flexible pour s’adapter aux différents modes opératoires des auditeurs. L’opérateur dispose d’une aide intégrée sous la forme de texte et d’illustrations pour l’accompagner dans chaque vérification ; il peut s’interrompre quand il veut et revenir en arrière ; l’application lui indique en permanence où il en est et ce qu’il lui reste à faire.
Autant de points qui ont déjà été testés en vie réelle et améliorés par les membres de l’équipe projet. Quant aux expérimentations sur site, elles démarrent à l’automne. Des opérateurs vont être formés à la méthode et à l’application pour la déployer dans des maisons neuves ou rénovées d’ici la fin de l’année.
Vers une extension aux technologies les moins fréquentes et à l’habitat collectif
Qu’il s’agisse du chauffage et de l’eau chaude sanitaire ou de la ventilation, avec une petite dizaine de systèmes, on couvre 90 % du marché. Il s’agit, pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, des chaudières gaz, pompes à chaleur, chauffe-eaux thermodynamiques, radiateurs et chauffe-eau électriques. Et pour la ventilation, des VMC simple flux et des systèmes de ventilation naturelle. C’est pourquoi, l’essentiel des vérifications concerne aujourd’hui ces technologies. Mais l’application compte une soixantaine de systèmes, parmi lesquels des technologies plus confidentielles comme la ventilation hybride, les systèmes de récupération de chaleur ou les microcogénérateurs. L’application va donc s’enrichir peu à peu des vérifications propres à ces systèmes et les opérateurs en seront avertis, à chaque fois qu’ils se connecteront.
Quant à l’habitat collectif, le protocole reste à affiner. Le contrôle doit-il être exhaustif dans tout l’immeuble ou accepte-t-on de ne réaliser que certaines vérifications, en considérant qu’elles seront suffisamment représentatives ?
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