Dans le cadre du projet RENOPTIM et suite à un Appel à Manifestation d’Intérêt édité en 2022, le CSTB avec la société TRACER a testé in situ un mur végétalisé mis en œuvre sur le pignon Sud d’un bâtiment collectif.
Le mur et deux logements situés derrière le mur ont été instrumentés afin de mettre en évidence l’apport spécifique de la végétalisation au confort d’été dans les logements.
Le mur végétalisé et son apport au confort d’été
L’ouvrage étudié ici est un mur végétalisé rapporté. Il se compose d’une structure métallique rapportée le long du mur pignon Sud d’un bâtiment collectif R+6. La structure accueille un dispositif d’arrosage et un empilage de blocs de substrats qui hébergent les plantes. En outre, le mur végétal ainsi constitué ménage une lame d’air entre le mur (gros œuvre) et l’empilage des blocs de substrat.
Qualitativement la contribution d’un mur végétalisé au confort thermique d’été dans les logements placés derrière ce mur s’explique ainsi. Vu depuis la surface externe du mur porteur, l’ensoleillement incident n’existe plus : le substrat fait ombrage. De plus, grâce à l’évaporation de l’eau contenue dans le substrat, le mur est couplé, par convection (lame d’air entre le mur et le substrat) et par rayonnement avec le substrat, à un milieu thermiquement en dessous de la température ambiante pour des journées ensoleillées et chaudes.
En effet l’évaporation de l’eau absorbe de la chaleur dans le substrat. L’évaporation de l’eau est spontanée du fait que l’air ambiant n’est pas saturé en eau, contrairement au substrat. On peut relier ce phénomène naturel à l’écart de température entre la température mesurée par un thermomètre standard (température « sèche ») et la même mesure de température si le thermomètre est introduit dans un milieu poreux saturé d’eau (température « humide »).
En l’absence d’arrosage, le mur s’apparente à un bardage ventilé. Pour le thermicien, la spécificité du mur végétal est bien sa capacité au rafraichissement par l’évaporation de l’eau d’arrosage qui est nécessaire au maintien en vie des plantes.
L’instrumentation
Le mur végétalisé a été décomposé en deux demi-murs à mi-hauteur du mur complet, en sorte de séparer la lame d’air en deux : une lame d’air spécifique au demi-mur supérieur et une lame d’air spécifique au demi-mur inférieur.
L’arrosage du demi-mur supérieur a été supprimé en début d’été mais est resté nominal pour le demi-mur inférieur. L’enregistrement des mesures a eu lieu tout l’été et très rapidement les plantes du mur sec (non arrosé) se sont desséchées.
La métrologie retenue pour collecter les faits expérimentaux fut :
- La mesure sous abri de la température et de l’humidité de l’air extérieur,
- La mesure de la température et de l’humidité dans le substrat à mi-hauteur du demi-mur humide (arrosé de façon nominale) et du demi-mur sec (non arrosé),
- La mesure de la température dans les deux lames d’air à mi-hauteur du demi-mur humide et à mi-hauteur du demi-mur sec,
- La mesure de la température de la pièce de vie immédiatement derrière le mur, pour l’appartement à mi-hauteur du mur humide et pour l’appartement à mi-hauteur du mur sec. Les deux appartements ont une conception identique en tout point.
Ce dispositif permet d’observer l’effet apporté par l’évaporation de l’eau, qui est l’effet propre à un mur végétalisé du point du vue du thermicien.
Le résultat des mesures
Considérant une semaine chaude de la période d’analyse, on a pu constater que qualitativement toutes les mesures associées aux deux demi-murs végétalisés sont cohérentes.
On observe l’assèchement progressif mais rapide du demi-mur végétalisé non arrosé et le maintien de l’humidité du demi-mur végétalisé arrosé (4.4L/m2/jour l’été ici).
La nuit, le comportement en température des deux demi-murs est très proche en termes de température dans le substrat et au niveau des lames d’air. En outre, les températures des lames d’air sont identiques à celle de la température de l’air extérieur.
Le jour, le demi-mur humide est plus froid : la température du substrat humide est, ponctuellement pour une belle journée et à midi, jusqu’à 17 °C inférieure à celle du substrat sec (en moyenne jour nuit, sur l’été nous avons observé 3.5°C de moins) et la température de lame d’air du demi-mur humide est ponctuellement jusqu‘à 10°C de moins (en moyenne sur l’été, 2°C) et présente une humidité relative en moyenne 20 à 30 points au-dessus de l’humidité relative de l’air ambiant, et en pointe jusqu’à 95% la nuit.
Ce comportement est cohérent avec la physique.
Cependant on observe que les températures dans les deux appartements sont à l’opposé de ce qui peut être légitimement attendu : le logement derrière le demi-mur humide est plus chaud que le logement derrière le demi-mur sec (en moyenne jour nuit sur la période, + 0.5°C).
Sachant que le mur végétalisé a été installé devant un mur pignon qui a reçu une ITE de R=3m².K/W pour la maitrise des charges de chauffage, voici ce que l’on doit conclure.
L’effet bénéfique du mur végétalisé doit exister (tout est toujours plus frais le jour comme le montrent clairement les mesures). Mais cet effet est atténué, d’une part par l’isolation thermique du pignon protégé par le mur végétalisé, et d’autre part, par l’ensemble des autres chemins thermiques (baie et mur non végétalisé, ponts thermiques, ventilation mécanique, etc.), qui concourent aussi au bilan en température et possiblement en dominent l’état ici.
Le bénéfice résiduel, qui existe très certainement, est effacé ici par la composante propre au comportement des usagers. Ainsi on peut supposer que la gestion des baies, des protections solaires (volets roulants manuels) et la génération des apports internes ont été différenciées dans les deux appartements et sont la cause de l’inversion du comportement thermique espéré. Il reste aussi possible que l’appartement associé au demi-mur sec, positionné plus haut dans l’immeuble, soit plus favorable à la ventilation naturelle.
Conclusion
On doit donc conclure que si le mur végétalisé a certainement un effet favorable au confort d’été dans l’absolu, on ne peut conclure sur un apport significatif au confort d’été sans considérer au cas par cas toutes les charges thermiques du logement, spécialement pour les bâtiments bien isolés thermiquement dont la généralisation est attendue.
Il n’en reste pas moins vrai que l’apport d’un mur végétalisé rapporté peut résider dans d’autres considérations : un mur végétalisé rapporté concourt à la nature en ville améliorant le bien-être, la biodiversité et la valeur architecturale du quartier. Enfin, s’il est déployé dans une stratégie globale de végétalisation de la ville par exemple pour atténuer les effets d’ilots de chaleur urbain et si l’arrosage est en effet en place en été, il concourt à établir un microclimat local, ces aspects n’ayant pas été étudiés ici.
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